jeudi 31 juillet 2008

Menteurs


Je n'avais pas suivi Liars depuis leur premier album en 2001, enregistré en deux jours et se terminant sur une piste d'une hypnotique demie-heure, circulaire et répétitive. Apparemment, ils ont depuis transgressé les limites, deux fois, dans des albums difficiles d'accès.

Or rien de tout ça ici. Le trio se fait plaisir : il joue. Il se la joue tour à tour punk, Beck, Jesus & Mary Chain, pour conclure par un piano envoûtant et plombant, gluant comme un espresso trop matinal. Le temps que la caféine fasse effet, l'album est terminé, hein, j'ai pas compris, pourtant il me semblait bien avoir entendu un truc pêchu au milieu - bon je le remets. Reparti pour 43 minutes.

Loin des constructions alambiquées, le disque dégage pourtant un malaise palpable, la patte des Liars, habiles à plonger leur auditeur dans leur univers pourtant varié. Par moments l'hypnose reprend ses droits, à d'autres ce sont les guitares crunchy propices aux déhanchements (ou aux détêtements si on est assis), parfois le décor disparaît. J'étais bien en voiture ou je suis chez moi, déjà ?

Liars. Evidemment. Ils triturent les esprits avec candeur, et sous les formes classiques de ces nouvelles compositions, leur assemblage ressemble à une peinture de M.C. Escher : simple, claire, normale. Et pourtant impossible. Une piste m'était même offerte, en gros, sur la pochette, avec ce plafond transformé en sol. Depuis, j'essaie de trouver la clé de cet édifice trop propre sur lui. Pauvre de moi.


mercredi 30 juillet 2008

Flyin' high (in a friendly sky)



Chris Whitley était un type un peu bizarre. Échappant à toute tentative hâtive d'étiquetage, le genre fuyant, quoi. Le texan, après quelques années passées en Belgique à participer à d'obscurs groupes new-wave, s'était fait connaître en 1991 avec Living With The Law, un album country-folk-rock coproduit par Daniel Lanois (vous savez, le cajun copain de Bono). Un beau succès d'estime qui valut à Whitley d'être considéré comme "the next big thing" aux yeux des porteurs de Stetson, qui voyait en lui un mec un peu plus authentique et talentueux que Garth Brooks (haha).

Mais voilà, quand on aime à la fois Woody Guthrie et Kraftwerk, on peut pas devenir le nouveau Willie Nelson. Refusant d'être coincé dans un style bien défini, Whitley brouillera les cartes sur ses quatre disques suivants, oscillant entre un son plus agressif ou au contraire des titres bien plus dépouillés (et sur lesquels, je reviendrai p'tet lors d'un prochain billet).

Ce Rocket House, 5ème opus studio sort en 2001. Et c'est encore une sacrée surprise. Avec des invités aussi divers comme Bruce Hornsby ou Dj Logic, le grand blond balance un disque bien plus aérien (voire presque ambiant par moments, si cet adjectif voulait bien dire quelque chose). Presque plus de soli de guitare, de longues plages atmosphériques, un long final aux tablas, le choc est rude. Pourtant qu'on ne s'y méprenne pas, Whitley reste avant tout un bluesman mais l'emballage est différent. Et pour le coup, assez enthousiasmant. L'album cherche (Rocket House), explose (To Joy) ou contemple (Little Torch) mais jamais de manière stérile. L'effet recherché est souvent l'hypnose (vous avez dit psychédélique ?), les titres proposant souvent le même thème répétitif sous une avalanche de sons triturés. Je rassure le néophyte, ce n'est pas un album expérimental, mais la prise de risque était bien réelle.

Ce qui m'amène au seul défaut du disque. Il est assez difficile de le pénétrer et nécessite quelques écoutes attentives pour en percer les mystères. Mais bon hein, la musique, ça n'est pas qu'un bien de consommation immédiat (y'a le dernier album de Carla Bruni pour ça si vous voulez). Et cette maison fusée saura toujours récompenser ses hôtes fidèles.

En bonus, une vidéo de Rocket House live (parce que vous le valez bien)



- Youri Gagarine Rainbow

Animation suspendue


Les quelques instants qui séparent la prise en main de la lecture de ce disque ressemblent étrangement, même pour le plus aguerri des amateurs de Mike Patton, à ceux qui précèdent la roulette du dentiste, alors que le patient est sommé de se détendre dans un fauteuil toujours inquiétant. Offert et sans défense, pire que tout : consentant. Il a beau y être préparé et même – pour les plus tordus d’entre nous – heureux de s’y mettre, il le sait : ça va faire un peu mal. Puis passent les deux premiers titres, qui ne totalisent pas plus de quatre minutes de mise en bouche, arrive le 03 avril (parce que j’ai oublié de vous dire, chaque morceau porte une date du mois d’avril 2005, ne me demandez pas pourquoi, ces artistes et leurs concepts étranges), c’est le moment de se rincer, de laver les affronts subis, pour mieux y retourner. Consentant mais désormais éprouvé, l’auditeur peut enfin s’abandonner et apprécier.

Enfin, apprécier, bien sûr, mais seulement s’il a assez d’ouverture pour ingurgiter ces trente courtes pièces qui mélangent métal et bande-son de cartoons (période Tex Avery en forme). Courtes, mais aiguisées, ciselées, pensées, en un mot : professionnelles. Buzz Osborne, le guitariste de ce super groupe ici présent que j’ai également oublié de nommer, à savoir Fantômas (super groupe car composé de super musiciens venus de super autres groupes), donc, Buzzo, qui n’est pourtant pas le genre de guitariste à craindre la première tentative de déconstruction enregistrée venue, a lui-même failli fuir la salle d’attente de l’enregistrement de ce Suspended Animation. Grand perfectionniste, Patton a constamment remis ses idées sur la sellette, pour aboutir à l’opposé du précédent album, ce Delirium Corda, tout aussi extrême, composé d’une angoissante piste atmosphérique de cinquante-cinq minutes.

Et puisque l’album forme un calendrier, autant l’illustrer. C’est le talentueux Yoshitomo Nara qui enveloppe ce travail de longue haleine, réussissant pour la première fois à ôter le noir d’une pochette de Fantômas, rendant très justement la gaieté relative du contenu. Sorti du fauteuil inquiétant, après avoir été malmené joyeusement par de petites lames roses et vives comme Beep-Beep (pardon, le Road Runner), l’auditeur se trouve requinqué. Ou cotonneux. Tout dépend de son adaptabilité.





lundi 28 juillet 2008

Surfant sur un steak


Avertissement : les lignes qui suivent n’ont aucun degré d’objectivité. J’ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas comment me détacher de l’histoire que cet album a écrit dans mes vieilles pages. Il n’est pourtant pas le seul. A cette époque, que je peux étirer entre 1994 et 1997, nombre de disques de qualité furent publiés, y compris par de nouvelles têtes marquantes.

Alors pourquoi celui-ci engendre-t-il plus de nostalgie ? Pourquoi fait-il à la fois office d’atout et de roi de cœur ?

Sans doute parce qu’à cette époque dominée par la noisy, il affirme nos goûts et confirme nos avis. Après un album lumineux (Never So Close, fortement typé Anglais qui pleure sur ses Docs), les Welcome (pardon, Welcome To Julian, décidément) partent pour New-York se faire produire par Nick Sansano, le metteur en son de Sonic Youth et de Public Enemy. Ah ah, exit la noisy. L’album se frotte aux grands, sonne parfois rap, parfois folk, se permet d’être violent, sec, efficace, direct, groovy. « Se permet » car sur cet ultime disque, Welcome To Julian ne s’embarrasse pas de l’humilité souvent mal placée des groupes français. Avec raison. Aucun titre n’est faible ou maladroit. En suivant Sloy et les Thugs dans ce disque urbain et métallique, ils conservent néanmoins leur clarté.

Sans doute aussi parce que leurs concerts sont à la hauteur de leurs compositions. Ils nous motivent, deviennent des exemples. D’ailleurs ne tournent-ils pas avec leurs amis les Little Rabbits, le groupe qui a bercé nos premières grilles de guitare ?

Enfin, sans doute parce que ce Surfing On A T-Bone n’arrête pas de tourner et s’imprimera ainsi indélébilement dans notre vie. Bonus : malgré les années, il ne vieillit pas.