samedi 1 novembre 2008

Citizens Kanards



Le rock ne constitue pas seulement un moyen de prendre une bonne dose de came musicale. Il en émerge parfois des cultes, soulevant et créant des hordes de fanatiques prêts à n'importe quelle bassesse pour obtenir une place de concert, un T-shirt ou un bootleg introuvable ("bootleg", quel sale mot, alors que "pirate" a tellement plus de classe). Cette attitude qui aveugle les jeunes rebelles et les transforme en bigots puis en anciens jeunes rebelles (pour les plus accros) me fascine. Qu'une telle aliénation, proche de l'appartenance à une secte, puisse toucher des milliers voire des millions de personnes et arriver à en transformer leur quotidien, alors qu'elle est simplement basée sur une grille d'accords, me semble relever de la pathologie. Heureusement, le culte devient avec le temps plus ridicule qu'autre chose, les yeux se décillent, et on passe à autre chose, ou du moins, on remet les grilles d'accords à leur place.

Heureusement bis, d'autres malades se fichent du culte que le refrain d'une chanson devrait déclencher, et, tout en appréciant énormément le groupe ou l'artiste vénéré, en retournent la personnalité : pas uniquement pour se moquer (les traîtres), mais aussi pour saluer et surtout, remettre en perspective l'objet de culte. Cela s'appelle de la parodie. Un exercice extrêmement périlleux, bien plus peut-être que la quête du saint riff qui tue le graal.

D'abord, il faut être drôle. Sans humour, la parodie n'est qu'un mime ou un plagiat, ce qui, dans ce cas, deviendra de la hype. Dès lors l'exercice devient farce, l'auditeur dindon, au final tout le monde perd. Non, il faut être drôle, donc, et ça, c'est loin d'être évident et donné à tout le monde : ne pas tomber dans la facilité, le graveleux - ou alors dosé, détourner les messages sans devenir une charge. Du boulot d'équilibriste.

Autre condition sine qua non : connaître l'original sur le bout des ongles, des textes aux chansons en passant par les solos. Pour ça, il faut éprouver une technique bien supérieure à l'original. Bien bien bien supérieure.

Trois exemples pour égayer mes propos : Beatallica, Dread Zeppelin et Ultra Vomit. Tandis que les deux premiers transposent des icônes du rock dans un univers totalement différent (les Beatles joués et chantés par Metallica, Led Zeppelin version reggae chanté par un clone d'Elvis Presley), les troisièmes s'attachent à parodier différents genres de métal (hihi) à l'aide de paroles pour enfants. Quand on me parle de boulangerie ou de devoirs de maths sur une batterie à triple pédale, je ris. De même, For No One renommée Four Horsemen au tempo fois deux, chantée comme James Hetfield : irrésistible.

De l'intelligence, de hautes qualités techniques, de l'humour, de l'imagination : autant dire que réussir une parodie tient de l'abnégation. Ces sauveurs (parfaitement) devraient être déclarés d'intérêt publique, rendant humains des chanteurs trop idolâtrés, ramenant les morceaux à leur but premier : le partage. La musique appartient à tout le monde. Leur mérite ne s'arrête pas là : en offrant leurs compétences au rire, ils se coupent de la création artistique pure, se permettent de se mettre à dos les fans et/ou le parodié (le parodié, gonflé d'orgueil, peut très mal supporter le ridicule), et enfin, accepter de ne passer que ponctuellement sur les platines, dans les soirées arrosées, pour le blind test de deux heures du matin. J'ai beau adorer mes trois exemples sus-cités, il ne me viendrait pas à l'idée de les écouter trois jours non stop. Des saints je vous dis.

Une preuve son et image pour Beatallica

Une autre pour Dread Zeppelin

Une dernière (tant qu'à faire) pour Ultra Vomit