mercredi 25 mars 2009

Oui Nouvelle York


En bonne caricature, j'adore faire des compiles. Des compilations, quoi. Prendre un bout de caoutchouc-reggae et le coller à un bout de chewing-gum-pop pour goûter si ça peut s'écouter, si on peut créer son propre chemin, son album personnel. La matière abondant, l'exercice, infini, comble de nombreuses aspirations : d'abord la compile n'est jamais gardée pour soi. A la rigueur, je garde juste la liste et l'enchaînement des titres, je pourrai la refaire. Mais elle n'a pas but de venir grossir les rangs des vrais disques, ceux faits par de vrais musiciens, pas par les fans sans talent. Non, je la crée - souvent dans la douleur - pour la donner, partager, communiquer. Mon auditeur connaîtra non seulement mes écoutes du moment mais en plus il connaîtra mon humeur. C'est souvent plus parlant qu'une soirée complète autour de la table du salon. Parler musique, c'est comme décrire une sculpture ou une maison de maître : c'est frustrant. Autant qu'essayer d'expliquer comment ces six derniers mois ont influé sur mon état. Alors qu'avec un peu de boulot, on résume ces six mois en une heure et quinze morceaux.

Ensuite il ne faut surtout pas négliger l'aspect créatif. A chacun ses règles, à chaque compile son défi. Elle peut être thématique (le cinéma, les morceaux faits avec des cris de chameaux, les meilleures reprises de mai 1985, liste sans fin), elle peut ne recenser que des singles, tout sauf des singles, être par ordre alphabétique, chercher les meilleurs enchaînements improbables (free-jazz suivi de punk suivi de chant grégorien), varier au maximum les genres ou au contraire les réduire. Rien que choisir la forme prend un temps fou. Alors chercher les morceaux qui vont correspondre... Cela dit, parfois, de l'urgence naît un album superbe qui fera un tabac. Et pas seulement en enquillant les tubes potentiels. Magnifique hasard.

Enfin - et pourtant, c'est souvent le but premier -, les compiles font découvrir ou redécouvrir des petites perles. Du moins, les perles que l'on a choisi. En isolant une chouette chanson noyée dans un album sirupeux, on peut redonner une nouvelle vision à un groupe qu'on croyait déchu voire perdu, on condense une carrière, on fait pivoter des abeilles méritantes autour d'une ruche conséquente - les quatre morceaux fédérateurs encadrant l'impro de quinze minutes -, mettez-moi de la disco après ça et si ça marche, je suis le roi. Parce que après le boulot, il faut bien le regarder : il sera réussi ou raté. Et s'il est réussi, on a le droit d'être content et de demander une gratification (bière, statue, statut, le plus souvent un simple compte-rendu détaillé plage par plage suffira).

Alors qu'en est-il de ce Yes New York (je n'ai malheureusement pas écouté son pendant, No New York, mais j'aimerai bien), une compilation de 2003 qui s'est efforcé de saisir l'air du temps de Big Apple ? Plus recherchée que la plupart des albums de magazines (ce qui est logique, allez pondre une playlist par mois avec les albums du mois sans être complètement bancal), elle nous apprend que le rock new-yorkais ou assimilé d'il y a six ans penchait pour le retour des années 60 et 70 et 80. The Strokes y dansent comme Otis Redding sur une bande-son des Who tandis que Interpol s'autoproclame phénix de Joy Division et Radio 4 celui de Gang of 4, alors que Lcd Soundsystem et Le Tigre mélangent le disco à l'electro. Ces noms bien connus côtoient d'illustres groupes obscurs qui valent pourtant parfois le détour. Bien sûr tout ne sera pas au goût de tous, mais la variété est présente, la découverte est présente, le thème est présent, la qualité est présente, bref, elle fait partie des compilations réussies.

Je devrais sans doute faire des compiles ici-même. J'y penserai. En attendant, voici un aperçu de celle de Yes New York.