mercredi 5 juin 2013

Wolfgang Amadeus Phoenix



Carnet de correspondance :

En réponse à votre avis défavorable du troisième trimestre du groupe Phoenix, permettez-moi, cher professeur d'Art du Rock, de revenir sur vos griefs quant à leur devoir de fin d'année scolaire, le très finement nommé Wolfgang Amadeus Phoenix.

Tout d'abord, la prétendue prétention affichée de groupe français qui a réussi est totalement injuste et (par conséquent) fausse. Au même titre que de nombreux groupes américains ou new-yorkais se révèlent être de parfaits Anglais (pour exemple, je citerai Interpol, The Strokes ou les Pixies), Phoenix n'a rien d'un groupe français. Ils sont déjà italo-américains par leur mère, qui les a élevés dans la plus pure tradition de musique urbaine des années quatre-vingt dix, et leurs notes de performance scénique vous rappelleront qu'ils n'ont rien à envier aux grosses machines britanniques et américaines ; "de vrais pros" dixit le préparateur scène du Saturday Night Live.

Notez d'ailleurs que le titre rappelle à la fois le vieux continent et la musique qu'elle représente aux yeux du monde, mais également la fantaisie et le génie de Mozart. Ce trait d'esprit vous a peut-être échappé ?

Pour ce qui est de la courte durée du devoir (36 minutes), les mélomanes rock de l'époque des cassettes (K7) - dont je fais partie - ont souvent tendance à croire qu'un album n'est bon que s'il tient sur une face de UXS 90 (pour votre gouverne, et afin de prévenir tout malentendu de ma part si il arrivait que vous soyez, cher professeur d'Art du Rock, plus jeune que mes Phoenix, une UXS 90 est une cassette de 90 minutes, soit deux faces de quarante-cinq minutes chacune). S'il dépasse la face, il gâche la seconde face, qui ne peut être remplie dans ce cas qu'avec un album plus court, ou alors, il prend les deux faces, et là ce n'est plus un album : c'est un double. Si l'on en croit quelques durées de disques cultes (je citerai Doolittle des Pixies : 39 minutes, Raw Power des Stooges : 33 minutes, L'histoire de Melody Nelson de Gainsbourg : 27 minutes), la longueur n'a rien à voir avec la qualité. Voyez plutôt cela comme un appel : Wolfgang Amadeus Phoenix a été conçu pour être écouté en boucle. Entre quatre et dix fois par jour. Ce qui équivaut à une pelletée d'albums, vous en conviendrez.

Pour finir, les critiques hautaines comparant ce devoir à du soft-rock à la Toto pour grosses cylindrées américaines en route vers Las Vegas relèvent de la pure calomnie. Tout d'abord, il y a une structure, pas une suite de titres construits comme une recette couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain-refrain. La plage electro du milieu, entourées de guitares un peu funky/disco (alors que les Daft Punk ont tous les honneurs avec leur pièce montée caramel-vanille, c'est à désespérer) aère l'ensemble avant de replonger vers un rock il est vrai produit et très arrangé, mais qui ne se facilite pas la tâche en étant positif et joyeux, tout le contraire des groupes pour ados en mal de reconnaissance.

Pour toutes ces raisons, cher professeur d'Art du Rock, je vous demande instamment de revoir à la hausse votre appréciation quant à cette oeuvre qui, j'en suis sûr, restera un jalon parmi tous les autres rapport de fin d'année de votre établissement. Cordialement.